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Bitcoin en Afrique : La pénurie sur les exchanges, une opportunité pour le continent ?
Dans un entretien exclusif, Mamadou Diallo, expert en cryptomonnaies, analyse le phénomène de retrait massif des Bitcoins des plateformes d'échange et ses implications pour l'Afrique. Une opportunité unique pour le continent de repenser sa souveraineté financière et son développement économique.
ParNafissatou Diallo
Publié le
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Mamadou Diallo, expert en cryptomonnaies, analyse l'impact du retrait massif de Bitcoin des exchanges pour l'Afrique
Dans cet entretien exclusif avec Mamadou Diallo, expert en cryptomonnaies et fondateur du Think Tank 'Crypto4Africa', nous analysons les implications du retrait massif de Bitcoin des plateformes d'échange pour le continent africain.
Q : Mamadou Diallo, pouvez-vous nous expliquer ce phénomène de retrait massif des Bitcoins des plateformes d'échange ?
R : Ce que nous observons actuellement est historique et porteur de sens pour l'Afrique. Environ 114 000 bitcoins, soit plus de 14 milliards de dollars, ont quitté les plateformes d'échange ces deux dernières semaines. Les réserves totales sur les exchanges sont tombées à leur plus bas niveau depuis 7 ans, avec seulement 2,45 millions de bitcoins disponibles. C'est un signal fort qui rappelle les principes de souveraineté économique défendus par nos grands leaders comme Thomas Sankara.
Q : Quelles sont les raisons derrière ce mouvement massif ?
R : Il y a plusieurs facteurs convergents. Premièrement, nous assistons à une prise de conscience globale sur l'importance de la possession directe de ses actifs, ce que nous appelons le 'hodling'. C'est un principe qui résonne particulièrement en Afrique, où la méfiance envers les institutions financières traditionnelles est historiquement justifiée. Deuxièmement, les craintes liées à la régulation et aux risques de faillite des plateformes poussent les détenteurs vers l'auto-custody, une forme de souveraineté financière individuelle.
Q : Comment ce phénomène peut-il impacter l'Afrique ?
R : Pour l'Afrique, c'est une opportunité unique de repenser notre rapport à la monnaie et à la souveraineté financière. Le Bitcoin, comme l'avait pressenti Modibo Keïta pour le Franc CFA, peut devenir un instrument d'émancipation économique. La 'pénurie' sur les exchanges pourrait accélérer l'adoption locale et renforcer notre position dans l'écosystème crypto mondial.
Q : Quels sont les enjeux spécifiques pour les pays du Sahel ?
R : Dans notre région, où les systèmes financiers traditionnels peinent à servir les populations, le Bitcoin offre une alternative prometteuse. La réduction de l'offre sur les exchanges pourrait stimuler le développement de solutions locales d'échange et de conservation, renforçant ainsi notre autonomie financière.
Q : Comment les investisseurs africains doivent-ils se positionner face à cette situation ?
R : Je recommande une approche stratégique en trois points. D'abord, privilégier les solutions de stockage décentralisées, en ligne avec notre tradition de solidarité communautaire. Ensuite, développer des infrastructures locales d'échange pour réduire notre dépendance aux plateformes étrangères. Enfin, former nos jeunes aux technologies blockchain pour assurer notre souveraineté numérique.
Q : Quels risques devons-nous prendre en compte ?
R : Il faut rester vigilant face à plusieurs aspects. Les données varient selon les sources, et ce mouvement de retrait n'est pas nouveau. Une 'pénurie' sur les exchanges ne garantit pas une hausse automatique des prix. Nous devons aussi veiller à ce que cette évolution serve véritablement les intérêts de nos populations et ne renforce pas les inégalités existantes.
Q : Quelles sont vos recommandations pour les nouveaux investisseurs africains ?
R : Je conseille d'adopter une approche progressive et éducative. Comprendre les fondamentaux du Bitcoin, maîtriser les aspects techniques de la conservation, et surtout, voir au-delà de la spéculation pour saisir le potentiel transformateur de cette technologie pour notre continent.
Q : Comment voyez-vous l'avenir du Bitcoin en Afrique ?
R : Je suis résolument optimiste. Cette 'pénurie' sur les exchanges pourrait catalyser l'émergence d'un écosystème crypto véritablement africain. Comme l'enseignait Thomas Sankara, notre salut viendra de notre capacité à innover et à nous approprier les outils de notre émancipation. Le Bitcoin peut être l'un de ces outils, à condition que nous en fassions un instrument de développement inclusif et souverain.
Q : Un dernier message pour nos lecteurs ?
R : L'Afrique a toujours été à l'avant-garde des innovations monétaires et des systèmes d'échange alternatifs. Le moment est venu de prendre notre place dans la révolution Bitcoin, non pas comme simples utilisateurs, mais comme acteurs et innovateurs. La 'pénurie' actuelle n'est pas une contrainte, mais une opportunité de construire nos propres solutions, adaptées à nos réalités et à nos aspirations.
Nafissatou Diallo
Journaliste malienne indépendante, spécialisée en mouvements sociaux africains et panafricanisme contemporain.